De Varsovie à Grande-Ligne: L'oeuvre in extremis

Auteurs-es

  • Ginette Michaud

Résumé

Après avoir été reconnu et célébré comme l'écrivain québécois national par excellence - il était celui qui avait nommé et cartographié le pays dans la diversité de ses provinces, celui qui en avait rassemblé les grandes figures et les mythes fondateurs tout en les déconstruisant, celui qui avait dressé contre l'Histoire officielle, une chronique irrévérencieuse, au point que certains n'auront voulu etenir en lui que la commère du village voilà que, depuis quelques années, c'est 'étrangeté des textes de Ferron qui commence de plus en plus à être remarquée par les ritiques, à proportion précisément que ceux-ci prennent leurs distances avec ne lecture étroitement socio-politique qui avait pesé sur son oeuvre, comme sur ien d'autres d'ailleurs. [...]

Références

Pierre L'Hérault, «Ferron l'incertain: du même au mixte», dans

L'Étranger dans tous ses états. Enjeux culturels et littéraires, sous la

direction de Simon Harel, Montréal, XYZ éditeur («Théorie et

littérature»), 1992, pp. 39-51; Simon Harel, «L'étranger comme

passeur», dans Le Voleur de parcours.ldentité et cosmopolitisme dans

la littérature québécoise contemporaine, Longueuil, Le Préambule («L'Univers des discours»), 1989, pp. 126-141; Jean-Pierre Boucher,

«Jacques Ferron et le recueil: La Conférence inachevée», Littératures,

(1988): 176-191; Betty Bednarski, Autour de Ferron. Littérature,

traduction, altérité, Toronto, Éditions du GREF («Traduire, Écrire,

Lire», n° 3), 1989, 153p.; Christiane Kègle a organisé un colloque sur

le thème «Folie, écriture, altérité» au congrès de l'ACFAS en 1990,

dont les Actes seront publiés dans Voix et images au printemps 1993.

De même, je tiens à souligner que le présent article s'inscrit dans un

travail en cours, dans le cadre d'un projet de recherche subventionné par

le CRSH et intitulé «Famille, nation, folie: Politiques du sujet dans

l'oeuvre de Jacques Ferron». Je remercie également Messieurs JeanMarcel

Paquette et Pierre Cantin de m'avoir laissé consulter leur

correspondance inédite avec l'écrivain, dont je cite plus loin quelques

extraits.

Ces expressions sont tirées du manuscrit du Pas de Gamelin déposé à la

Bibliothèque nationale du Québec. L'existence du manuscrit du Pas de

Gamelin m'a aimablement été communiquée par Luc Gauvreau. Qu'il

en soit vivement remercié ici. Voir la partie intitulée «Chapitre

premier. La fonction de la folie», f. 2.

Jacques Ferron, «L'alias du non et du néant», Le Devoir, 19 avril

Dans une lettre inédite à Jean-Marcel Paquette datée du 20 juillet 1969,

Ferron écrit qu'«Une question reste: pourquoi l'envers serait-il mieux

tissé que l'endroit? Tout simplement parce que l'endroit est du côté de la

lumière et que la vie est vénération, remise, nonchalance, toute à l'aise

d'elle-même. Tandis que l'envers est du côté du noir, de la déperdition,

de la mort; point de remise, point de reprise; alors quoi, une frénésie,

une rage, une énergie qui, pour être damnante, n'en est pas moins

impressionnante». Point de remise, point de reprise: on ne saurait

mieux suggérer le rapport qu'entretient le manuscrit du Pas au reste de

l'oeuvre, si on accepte de le tenir pour son envers, «du côté du noir, de

la déperdition, de la mort».

Aussi tard qu'en 1983, Ferron pensait encore rassembler ses principaux

textes autobiographiques en un «tome posthume», ce qui laisse

entendre l'importance qu'il accordait à cette filière particulière dans son

oeuvre: «Ce tome Ill sera posthume, de même qu'un livre où je mettrai

Le Pas de Gamelin, Les Salicaires, Maski et quelques petits inédits»

(Lettre à Jean-Marcel Paquette, 2 mars 1983).

J'ai consacré un article à cette question des correspondances: voir

«Jacques Ferron au regard des autres. Famille, nation, folie: une double

version», à paraître dans Voix et images, printemps 1993.

Dans la partie intitulée «Chapitre septième. Magoua, fils de Notaire»

du manuscrit du Pas de Gamelin, le narrateur parle de «faire des ronds

autour du sujet, quitte à me laisser par-ci par-là des morceaux debravoure, indispensables à l'amalgame de ses parties errantes, baroques,

incongrues, abracadabrantes» (f. 41 ). Les épisodes que nous avons

isolés ici, Grande-Ligne et Varsovie, sans être de tels morceaux de

bravoure, sont cependant incontestablement «indispensables à l'amalgame

[des] parties errantes» du manuscrit du Pas de Gamelin.

L'inventaire sommaire que j'en propose ici ne prétend à aucune

exhaustivité ni ordonnancement. Le dossier du Pas de Gamelin tel

qu'on peut le consulter à la Bibliothèque nationale du Québec rassemble

des matériaux divers, dont certains ont été partiellement dactylographiés

par les soins, on le suppose, de l'éditeur de l'écrivain à l'époque, VictorLévy

Beaulieu. On y trouve un Avant-Propos, intitulé Dangers de la

dissipation et de l'inconsidération du langage; une Introduction (à

laquelle a été joint par erreur un texte qui n'est pas de Ferron, mais de

M. Curtis); puis une suite de chapitres qui auraient dû se distribuer

selon (au moins) deux grandes parties, la seconde intitulée

L'Usurpation. Je les énumère ici selon les «mains» d'écriture différentes

qui les caractérisent, l'une à la plume fine, l'autre au feutre gras:

Chapitre premier. Julio mensis, anno 1945; chapitre quatrième. Maski

[raturés]; Chapitre cinquième. La berline et les trois grimoires [raturés];

Chapitre cinquième. Turcot, fils d'Homère [raturés]; Chapitre septième.

Magoua fils de Notaire [raturés]; Chapitre huitième. L'Inner circle et

les Molly Maguire; Deuxième partie. Chapitre premier. La fonction de

la folie; Chapitre II. Le pavillon de chasse; Chapitre troisième. La ville

de Varsovie; Chapitre quatrième. Des freux, peut-être ... ; Chapitre

cinquième. Conte pour toi; Chapitre cinquième. Mais le schizophrène,

c'est le médecin; Chapitre sixième. En attendant Maski; Chapitre

sixième. L'apothéose de Maski [raturés, remplacés par: septième,

exécution]; Chapitre huitième. Maski sera vengé. À cette série de

chapitres, s'ajoutent une version radiophonique de Gaspé-Mattempa et

des coupures diverses (conseils de M. Curtis pour l'embauche de

nouveaux employés, lettres et articles de Ferron déjà parus dans les

journaux et annotés de sa main (entre autres, «La fonction propre de

l'image a été escamotée») et, enfin, de nombreuses historiettes parues

dans L'Information médicale et paramédicale numérotées de la façon

suivante: <

Nielsen», 20 mai 1975; «Le caquet et les gouttes de sang», 3 juin

; «La p'tite Maria>> [raturé et remplacé par: «Ah, Monsieur! Adieu,

Monsieur!»], 17 juin 1975; «Pierre Baillargeon», 1er juillet 1975 et

«Le baron OEdipe», 15 juillet 1975.

La majorité des ratures, habituellement très lisibles dans le manuscrit,

ont essentiellement trait à ce passage incertain de l'autobiographie vers

la fiction. On trouve ainsi de nombreux «je», tout simplement barrés

d'un trait, auxquels se superpose «Maski». Dans un même paragraphe,

on passera, par exemple, indifféremment de «Maski» à «Salvarsan».

«Chapitre cinquième. La berline et les trois grimoires», manuscrit du

Pas de Gamelin, f. 25.

Le manuscrit du Pas de Gamelin est en effet porteur d'une question

éthique: si la génétique textuelle se trouve légitimée d'analyser les

transformations survenant entre un manuscrit et l'oeuvre dûment

publiée, comment traiter d'un manuscrit abandonné, mais qui influence

tout de même l'oeuvre de son retrait même?

Ferron évoquera à quelques reprises les temps des débuts de l'écriture en

ces termes: «J'aimerais bien jeter un coup d'oeil sur la présentation et

les poèmes dont vous me parlez. C'est pour moi un faux départ, une

période vaine» (Lettre à Pierre Cantin, 21 février 1985). «[ ... ] Jeune

homme, écrit-il cette fois à Jean-Marcel Paquette, j'avais une certaine

fausseté, n'ayant rien à dire et trouvant quand même moyen d'écrire. Je

crains cette affreuse médiocrité et non mes emportements, fussent-ils

fous. Il y a de nombreux temps morts dans la vie, de même dans

l'écriture» (Lettre à Jean-Marcel Paquette, 7 février 1975). Ce sont

précisément les traces laissées par de tels «temps morts» qu'il s'agit

pour nous d'analyser dans le manuscrit du Pas.

Jacques Ferron, Lettre à Jean-Marcel Paquette, 13 décembre 1970.

On trouve ces expressions sous la plume de Ferron dans une lettre à

Jean-Marcel Paquette, 24 novembre 1969, où l'écrivain, tout comme

un certain Joyce, avoue travailler avec «le Directory de Montréal».

15 Jacques Ferron, Lettre à Jean-Marcel Paquette, 11 avril 1972. Dans le

manuscrit du Pas, le narrateur revient à plusieurs reprises sur ce travail,

essentiel à ses yeux, du ressouvenir et de l'anamnèse: «

de la mémoire une idée qui ne convient guère à son mémorialiste et

moins encore aux formes de l'écriture, l'idée qu'elle serait avant tout la

faculté d'oublier et ensuite, seulement alors la faculté de retenir, ou

plutôt d'avoir retenu tout en oubliant» («Chapitre cinquième. La

berline et les trois grimoires», manuscrit du Pas de Gamelin, f. 24-25).

Et plus loin, il ajoute: «En d'autres termes, un peu comme le tak

polonais est un oui assez peu affirmatif, une manière de noui, l'oubli

de mon compère [Maski], c'est du oui mais. Oui, il oublie pour ne pas

s'encombrer, passer outre, rester dans le sillage de son nez, mais il

emmagasine en même temps, à la sauvette, sans trop savoir ce qu'il

retenait, quitte à s'en ressouvenir ensuite à tout propos, mal à-propos,

de façon intempestive, par exemple en rotant à la pensée des filets

mignons du major Herbert Gold devant l'hospitalière de Sainte-Rita,

trente ans après, parce qu'il lui semble que cette salle toute féminine a

quelque analogie, un certain bonheur, avec le camp masculin et guerrier

de Grande-Ligne» («La berline et les trois grimoires», manuscrit du Pas

de Gamelin, f. 25).

Il faudra un jour suivre cette filière ulysséenne- et donc joycienne -

dans l'oeuvre de celui qui écrivait que son «itinéraire a[ v ait] quelque chose d'un retour à Ithaque, je veux dire qu'il est astucieux» (Jacques

Ferron, Lettre à Jean-Marcel Paquette, 16 juin 1967).

7 «Chapitre premier. La fonction de la folie», manuscrit du Pas de

Gamelin, f. 2.

Voir, entre autres textes, «Québec Polski», Le Devoir, 10 novembre 1973, p. XXVII; «Le retour du vicaire Lupien», L'Information médicale et paramédicale, XXII, 3 (18 décembre 1979): 10; «Le chant de la Sirène», L'Information médicale et paramédicale, XXVII, 3 (18

décembre 1973): 36; «Sto Lat!», Escarmouches. La longue passe, tome I, Montréal, Leméac, 1975, pp. 208-213; «Un enfirouâpé, pas d'enfirouâpète», dans Escarmouches. La longue passe, tome II, Montréal, Leméac, 1975, p. 220; «Impressions de Pologne», dans Les Lettres aux journaux, Montréal, VLB éditeur, 1985, pp. 385-386; deux

lettres à John Grube, dans Une amitié bien particulière, Montréal,Boréal, 1990, pp. 54 et 72; et, enfin, bien entendu, «L'exécution de Maski», dans Rosaire précédé de L'Exécution de Maski, Montréal, VLB éditeur, 1981.

Il est très intéressant de souligner que c'est à partir de cette phrase calligraphiée de la main de Ferron, que Stangle, ce «moine bénédictin>> dont nous parlerons plus loin, a fait sa graphologie (Lettre à JeanMarcel Paquette, 21 décembre 1965).

Jacques Ferron, «Chapitre quatrième. Maski» [titre raturé], manuscrit du Pas de Gamelin, f. 3.

Jacques Ferron, «Lettre à John Grube», 28 février 1976, op. cit.,

pp. 123-124.

Ibid., p. 92. Ferron mentionne aussi dans le manuscrit ces parties de bridge «à la ouesterne, pour ne pas dire à la sauvage», qu'il jouait avec trois majors pour «y perdre le plus souvent», hiérarchie militaire oblige («Chapitre quatrième. Maski [titre raturé]», manuscrit du Pas de

Gamelin, f. 6). Il n'est pas indifférent que ce soit chaque fois ce «sans atout» qui signale la position de perdant que Ferron s'assignait, dans ces rapports apparemment si «neutres» avec l'Autre étranger.

Jacques Ferron, «Le Pas de Gamelin», dans La Conférence inachevée, Montréal, VLB éditeur, 1987, p. 46.

Jacques Ferron, Lettre à Jean-Marcel Paquette, 9 novembre 1966.

Jacques Ferron, «Chapitre quatrième. Maski», manuscrit du Pas de Gamelin, f. 4-5.

«[ ... ] l'organisation de l'enfermement à Grande-Ligne, d'ailleurs improvisée, irréfléchie, [ ... ] fut un modèle. Inimitable, comment la proposer en modèle? À moins que, trop abstrait, le modèle n'ait qu'une valeur idéale et qu'on n'en puisse rien tirer sans le modifier pour l'adapter à la situation?» (Jacques Ferron, «Chapitre quatrième. Maski [raturés]», manuscrit du Pas de Gamelin, f. 9).

Ibid.

Jacques Ferron, «Lettre à John Grube», 11 janvier 1974, op. cit., p. 91. On remarquera au passage que l'évocation de l'épisode du camp de Grande-Ligne dans cette correspondance est elle-même soutenue par une association de Ferron qui fait de Grube ... un Allemand. L'aveu, de manière significative, est fait entre parenthèses: «Vous faites plutôt allemand; Ellenwood, enjoué et poseur, fait plutôt britannique».

Ibid.

Dans le «Chapitre quatrième. Maski», le narrateur raconte les aprèsmidi passés à l'infirmerie, à poser pour le portraitiste allemand «On y boit du café et l'on parle français» -, en compagnie de Loutiken, de Stangle et d'«une sorte de petit seigneur [ ... ] qui a un chalet de chasse dans la forêt Noire» dont Maski contresigne les ordonnances, rédigées en allemand, «c'est peut-être aussi en latin» (manuscrit du Pas de Gamelin, f. 5).

À l'appui de cette hypothèse, on pensera aussi à ce que le narrateur écrit du lieutenant Loutiken, «frétillant, poli, maniéré comme tout le XVIIIe siècle ramassé dans une journée, pressé, lui, d'améliorer son français [ ... ]» («Chapitre quatrième. Maski», manuscrit du Pas de Gamelin, f. 6). Cet Allemand a ainsi la particularité d'être ... un Français, et qui plus est, de ce Siècle des Lumières auquel Ferron est si attaché. Le rapprochement n'est pas, tout compte fait, si étonnant lorsqu'on se rappelle la fascination exercée par la culture française et tout particulièrement de la Révolution, sur l'imaginaire allemand (voir à ce sujet le cas des Romantiques allemands).

Jacques Ferron, «Chapitre premier. La fonction de la folie», manuscrit du Pas de Gamelin, f. 7.

Cette fascination pour l'Autre seigneur, maître de ses terres, est accusée dans le manuscrit par cette comparaison avec la situation québécoise: «Dans notre pays, il n'y a pas de seigneurs avoués, de domaines déclarés: il n'y a que des terres et des cultivateurs libres, aussi fiers que des hobereaux» (Jacques Ferron, «Chapitre cinquième. Turcot, fils d'Homère», manuscrit du Pas de Gamelin, f. 26).

Ibid.

Le passage de ce «stratagème»-«imposture» se lit ainsi: «[ ... ] le colonel en battle dress a profité d'une de ses sorties d'agriculteur pour apporter un assez gros paquet et deux morceaux de bois au bout de la terre. Là, il a creusé une fosse, y a jeté le paquet, l'a enterré, puis, foulant la terre, sur cette tombe a planté la croix; à la rencontre des deux bois, il a écrit son nom d'ex-colonel de l'armée allemande et, pour finir, ôtant ses gants [ ... ] les a mis aux deux bouts de la branche horizontale», pour ensuite s'introduire «dans la place» au mépris des conventions (Jacques Ferron, «Chapitre cinquième. Turcot, fils d'Homère», manuscrit du Pas de Gamelin, f. 29). Ferron fait également allusion tout au long du manuscrit à une autre ruse allemande qui prit au dépourvu le camp canadien, au moment où, au coeur de l'été «tropical» (nous sommes en juillet), les officiers canadiens, faisant «les cent pas devant le vieil Institut» avec leur «gros fusil à l'épaule plus pesant qu'une croix», auront droit à une vision hallucinante, moyen de «torture appliquée par le captif à ses gardes», celle des têtes de chevaux «hilare[s] à toutes les fenêtres de l'Institut Feller» qui «s'amus[ent] bien du Old V et», «cheval de gloire qui se fait gloire d'être cheval» (ibid., f. 25).

Ibid., f. 29.

«Turcot, fils d'Homère, de demander au docteur Jérôme Salvarsan: "Vous l'aurez admiré, je suppose?" Et Maski, vite, de siffler, sans remuer les lèvres: "V'oui"» (ibid., f. 30).

Jacques Ferron, «Chapitre cinquième. La berline et les trois grimoires», manuscrit du Pas de Gamelin, f. 26.

Ibid., f. 26.

Ibid., f. 26.

Ibid., f. 26.

Ibid., f. 26.

Ibid., f. 26-27.

Ibid., f. 27.

Ibid., f. 28.

Jacques Ferron, Lettre à Jean-Marcel Paquette, 18 septembre 1973.

Dans le manuscrit, Ferron commet un lapsus calami intéressant, écrivant «cohersitif», ce qui lui permet de tirer le mot du côté de la «cohésion» du Nous national.

Jacques Ferron, «Chapitre quatrième. Maski», manuscrit du Pas de Gamelin, f. 7. Le contexte de cette déclaration vaut d'être situé, le narrateur faisant alors état de sa «velléité d'anglais», «tentation de saint Antoine de Maski» qui reprend à distance la toute première étude de l'anglais au Jardin de l'Enfance de Trois-Rivières, alors qu'«il [avait] été premier en anglais écrit» (ibid. ). À Grande-Ligne, cette velléité de se remettre à l'anglais lui passera vite, «tout simplement parce que l'anglais lui aurait été nuisible à Grande-Ligne, d'un côté comme de l'autre de la clôture»: pour les officiers canadians, il sait donc tout juste assez d'anglais pour «annoncer son jeu au bridge»; pour les officiers allemands, «c'est par le français de son NOUS coercitif, de son pays d'arnaque et de gamick, qu'il se propose conciliant et neutre, qu'il perce et parvient à quelque amitié» (ibid., f. 8).

Ferron estime en effet qu'il s'est produit un curieux transfert, de l'Irlande vers la Pologne: «[ ... ] le salut de l'Irlande, écrira-t-il, a eu lieu en Pologne, il pourrait se répéter ici [au Québec]» («Québec Polski»,op. cit., p. XXVII).

Jacques Ferron, «Le chant de la Sirène», op. cit., p. 36.

Jacques Ferron, <

Jacques Ferron, «Sto Lat!», op. cit., p. 208.

Jacques Ferron, «Le retour du vicaire Lupin», op. cit., p. 10.

Jacques Ferron, «Un enfirouâpé, pas enfirouâpète», op. cit., p. 220.

Cette gerbe d'héliantes bleus, associée à la «main de gloire» et au jour de «miel», revient sous la plume de Ferron chaque fois qu'il mentionne Varsovie et en devient, dans le manuscrit du Pas et ailleurs, le signe emblématique. L'hélianthe bleu renvoie peut-être aux armoiries de la ville, ou à quelque symbole héraldique: il frappe l'attention par sa couleur puisque le Robert le décrit comme une «plante à grands capitules jaunes», aussi nommé «soleil, tournesol». L'héliante renoue ainsi avec l'une des grandes figures mythiques de l'oeuvre ferronienne.

Jacques Ferron, Lettre à Jean-Marcel Paquette, 4 novembre 1973.

Jacques Ferron, «Chapitre septième, L'exécution de Maski» [raturé: <

Gamelin; f. 1.

Jacques Ferron, Lettre à Jean-Marcel Paquette, 10 mai 1979.

Ferron mentionne à plusieurs reprises dans le manuscrit le babylonien: «[ ... ] se fut-il trompé [Maski] de langue, apprenant le babylonien au lieu de l'anglais>> («Chapitre quatrième. Maski», manuscrit du Pas de Gamelin, f. 6), sorte de langue de toutes les langues pour laquelle il éprouve des sentiments ambivalents, de respect et de répulsion mêlés.

Cette image revient souvent dans le manuscrit; elle est également évoquée dans la correspondance (voir Jacques Ferron, Lettre à JeanMarcel Paquette, 10 août 1976); Régine la reine folle renvoie aussi à la carte-maîtresse du jeu de cartes perdu déjà évoqué. 61 Jacques Ferron, «Sto Lat!», op. cit., p. 212.

Jacques Ferron, «Chapitre septième. L'exécution de Maski», manuscrit du Pas de Gamelin, f. 5.

Jacques Ferron, Lettre à Jean-Marcel Paquette, 4 mars 1969.

Jacques Ferron, Lettre à Jean-Marcel Paquette, 6 février 1966. Ferron mentionne ce bouleversement des temps à propos de l'influence exercée par la Contre-Réforme sur la situation québécoise, laquelle nous distingue fortement à ses yeux de la France («Le Jansénisme s'éteint en

France au moment où notre Contre-Réforme commence»). Cette question de la religion fait partie de la fascination exercée par GrandeLigne sur le jeune Ferron, puisqu'il considère que «Grande-Ligne, [ ... ] c'est l'échec du protestantisme français» (Lettre à Jean-Marcel Paquette,

décembre 1965). Cet attrait du protestantisme jouant sous le catholicisme de la Contre-Réforme est un aspect capital des transferts nationaux et culturels qui intéressent Ferron, question qui devra être traitée ultérieurement.

Jacques Ferron, «Chapitre troisième. La ville de Varsovie», manuscrit du Pas de Gamelin, f. 1. Cette évocation de Varsovie est particulièrement intéressante dans le manuscrit, parce qu'elle est immédiatement suivie d'une double plongée vers le temps des commencements de l'oeuvre (La Charette), et bien plus essentiellement encore de l'enfance du narrateur: «Chaque nuit, de sa [raturé: ma] haute chambre du Grand Hôtel, il se [raturé: je me] réveillait pour entendre tout bas, dans l'avenue profonde et déserte, les pas que faisait sur l'asphalte le cheval d'une incroyable charette, assurément conduite par le diable, comme le chantait feu le [raturé: mon] grand-père d'aussi loin que le village des Ambroises [ ... ] Maski attendait que les pas du cheval fussent éloignés, sinon imperceptibles, avant de se rendormir, se disant toutes sortes de choses à propos de la ville, du diable et d'Ogou» (ibid., f. 1.-2). Varsovie apparaît ici comme une ville onirique, une ville où le narrateur, constamment entre le sommeil et la veille, se trouve devant les portes du rêve («on ne nomme pas cette ville Varsovie, confie-t-il, sans rester interdit et songeur avec une arrière-pensée dans la tête, un arrière-goût dans la bouche [ ... ]» ). Plus que la ville réelle, Varsovie est bien pour le narrateur une figure, une idée qui sert à lier des associations libres, indifféremment surgies de la fiction et de l'autobiographie, du réel et de l'imaginaire.

Jacques Ferron, Lettre à Jean-Marcel Paquette, 24 février 1967. «Dans une grande collectivité l'exclusion se fait vers le dedans pour devenir une inclusion, voire un refoulement qui, sans qu'on s'en rende compte, joue un rôle d'élément perturbateur [ ... ]. Mais que vaut un donjon ignoré? Sans communication avec l'extérieur, l'élément perturbateur devient foyer de pourrissement et de démence[ ... ]». 67 Jacques Ferron, Lettre à Jean-Marcel Paquette, 25 décembre 1970.

A-t-on de fait assez compris à quel point les pays dont le nationalisme était blessé faisaient sentir leur emprise sur leurs sujets individuels? On pensera à ces propos de Julia Kristeva («La nation pour inclure ou exclure? Une idée fragile et libre», Le Monde, 29 mars 1991, p. 21) en lisant cette lettre de Ferron à Pierre Vadeboncoeur où il parle de «Ce pays terrible et jaloux qu'est le Québec, ce pays qui n'arrête pas de nous faire subir son chantage. J'aurais voulu en faire un pays comme les autres pour qu'il nous laisse en paix et que nous puissions parler d'autre chose» (Pierre Vadeboncoeur, «Étrange Docteur Ferron», Nouvelles CSN, 342 ( 1991 ): 22). Comment ne pas entendre ici en écho la célèbre réplique de Stephen Daedalus à Léopold Bloom dans Ulysses: « We can't change the country. Let us change the subject» (James Joyce, Ulysses, The Corrected Text. Student's Edition, London and New York, Penguin Modern Classics, 1986, p. 527).

Jacques Ferron, Lettre à Jean-Marcel Paquette, le 9 mars 1981.

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Publié-e

2017-07-20

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