L'utilisation polémique de textes classiques dans Les Faictz de jesus Christ et du Pape
Abstract
Pour un texte polémique qui a émergé du milieu évangélique autour de Pierre de Vingle, Les Faictz font une utilisation remarquable de l'éducation humaniste et de l'autorité scolastique, des sources que certains peuvent considérer inappropriées, ou du moins surprenantes, pour une telle entreprise. Il n'est pas extraordinaire de trouver deux cent soixante citations bibliques1 dans Les Faictz, tout comme pas moins de quatre-vingt-quinze références au droit canon.[...]
References
Je remercie Isabelle Crevier-Denommé pour sa rigoureuse identification
des citations bibliques en préparation préliminaire à la
publication du texte des Faictz; mes remerciements vont aussi à
William Kemp pour son aide au cours de la rédaction de cet article.
Titus Livius, Ex xiiiiT. Liuii decadibus prima, tertia, quarta. Duplex
epitome. Polybii libri v de rebus Romanis tr. à N. Perotto, 4 vol., Venise,
Presses aldines, 1518-1521.J'ai essayé dans la mesure du possible de
citer les éditions contemporaines aux Faictz, en particulier celles des
Presses aldines, reconnues en leur temps pour leur grande qualité.
Gaius Suetonius Tranquillus, De viris illustribus, dans C. Plinii secundi
novocomensis epistolarum libri decem ... ,Venise, Presses aldines,
Lucianus, Luciani dialogi et alia mu/ta opera, Venise, Presses aldines,
Lucius, L. Apuleii Metamorphoseos, siue lusus Asini libri Xl,Venise,
Presses aldines, 1521.
Aulus Gellius, Auli Gel/ii Noctium Atticarum Libri Undeviginti,
Venise, Presses aldines, 1515.
Macrobius, Macrobii Aure/ii 1heodosii ... in Somnium Scipionis M
Tu/Iii Ciceronis libri duo, et saturnaliorum lib. VII, Paris, Badius,
{Ce texte fut également publié en 1519 sous le titre Macrobius
Aurelius integer ainsi que dans une édition aldine en 1528).
Le Corpusjuris canonici (Corpus du droit canon) constituait le principal
corpus de la législation ecclésiastique de l'Église catholique
romaine du Moyen Âge jusqu'à ce qu'il soit remplacé par le Codex
juris canonici (Code du droit canon) en 1917. Il est constitué de trois
parties importantes :le Decretum Gratiani {écrit entre 1141-1150);
les Decreta/es du pape Grégoire IX (1234) et les trois recueils finaux
de décrétales: le Liber Sextus du pape Boniface VIII (1298), les
Clementinae du pape Clément V (1317) et deux recueils privés: les
Extravagantes du pape Jean XXII ( 1325) et les Extravagantes communes
(du pape Boniface VIII au pape Sixte IV). Ces six recueils de lois furent
nommés Corpus juris canon ici par le pape Grégoire XIII (1er juillet
, dans le document Cum pro munere. Toutefois, ils furent fréquemment
imprimés avant cette date. La première édition du Corpus
juris canon ici fut imprimée à la fin du XVJ• siècle (Francfort, 1586;
Paris, 1587). Voir Online Catholic Encyclopedia (www.newadvent.
org/cathen /04391a.htm).
Pour les spécialistes de l'Antiquité classique, toutefois, le seul mérite
du Commentaire de Macrobe était qu'il conservait le texte sur lequel
il était basé, à savoir Le Songe de Scipion, qui, jusqu'au xrxe siècle, était
le seul extrait connu du De republica de Cicéron. En 1820, Angelo
Mai a identifié dans la Bibliothèque du Vatican une partie du De
Re Pub/ica manquant. Voir William Stahl, Macrobius. Commentary
on the Dream ofScipio, New York, Columbia University Press, 1952,
pp. 10-11 (Ndlt. :traduction libre de la citation de l'anglais).
Au Moyen Âge, Macrobe était aussi considéré comme une autorité
pour l'interprétation des rêves ainsi qu'en géographie; plusieurs des
manuscrits de son Commentaire incluent seulement ces parties traitant
de la classification des rêves ou des questions reliées au monde
naturel. Voir Stahl, pp. 41-42.
Stahl, pp. 61-62.
Josse Bade a imprimé trois éditions à Paris (1513, 1519, 1524) et, un
peu plus tard, Sébastien Gryphe en a imprimé environ dix à Lyon.
En 1538, Jean Colin a aussi traduit en français Le Songe de Scipion du Livre VI du De Re Pub/ica de Cicéron. Voir Diane Desrosiers-Bonin,
« Macrobe et les âmes héroïques (Rabelais, Quart Livre, chapitres 25
à 28) »,Renaissance et Réforme, vol. XI, n°3, été 1987, p. 211-221.
Les Faictz, Aiii r".
Les Faictz, Aiü r".
«Et il dit : Maudit soit Canaan! Qy'il soit pour ses frères l'esclave
des esclaves!» (Genèse 9 : 25).
Cicéron, La République, trad. Esther Bréguet, Paris, Les Belles
Lettres, 1980, pp. 107-108.
Cicéron, La République, pp.107-108.
«et iam non sum in mundo et hü in mundo sunt et ego ad te venio
Pater sancte serva eos in nomine tuo quos dedisti mihi ut sint unum
sicut et nos» (Jean 17 : 11).
Les Faictz, Aiii r".
Les Faictz, Bü r". Le fait de baiser le pied du pape était une affaire
importante à l'époque où Les Faictz ont été écrits, comme le
prouve le paragraphe suivant relatif au couronnement de Charles V
à Bologne, le 24 février 1530: «Qyand il [l'Empereur] gravit [les
marches], le Pape se leva et s'inclina trois fois devant Sa Majesté.
Et quand Sa Majesté arriva devant le Pape, il tomba à genoux et lui
baisa les pieds, puis se redressa et baisa ses mains et puis ses joues.
Puis il s'agenouilla de nouveau sous la main droite du Pape et demeura
agenouillé jusqu'à ce que toute sa traîne ait baisé ses pieds
[du Pape]. Agenouillé, Sa Majesté Impériale dit au Pape: «Saint
Père, je viens à Votre Sainteté, ce que j'ai attendu avec impatience
depuis longtemps, je me présente comme l'un des pères de la foi
Chrétienne et que mes actes portent plus de fruits que mes mots.
«Il dit ces mots au Pape en latin. Puis le Pape se leva et baisa Sa
Majesté Impériale trois fois sur ses joues et dit: «Majesté Impériale,
je demande grâce et confesse que je suis coupable. «Il demanda aussi
à l'Empereur de ne pas s'offusquer du fait qu'il lui fasse baiser ses
pieds et il dit que ce n'était pas sa volonté mais que la cérémonie nécessitait
ce geste lorsque l'Empereur accédait à la couronne. Alors ils
se saluèrent mutuellement selon les conventions séculaires et le Pape
mena Sa Majesté à sa main droite au bas des marches à la rampe ... »
(Eynreitung keiser/icher Maiestat auff die kronung gen Rom 1 L'entrée
de sa Majestée Impériale pour son couronnement à Rome, Bologne,
. (Nd/t.: traduction libre du paragraphe de l'anglais)
Il est évident que cette cérémonie, telle qu'elle est décrite dans ce
livre portant sur les festivals, est écrite du point de vue de l'Empereur,
puisque le chroniqueur, qui n'était certainement pas présent à la céré monie, a tenté de donner un compte-rendu des événements qui tend
à dépeindre l'Empereur comme l'égal du Pape, un statut qui n'était
pas encore atteint au début du XVIe siècle. (Voir J. R. Mulryne, Helen
Watanabe-O'Kelly, Margaret Shewring (dir.), Europa Triumphans.
Court and Civic Festivals in Early Modern Europe, vol. 1, Londres,
MHRA et Ashgate Publishing Ltd., 2004, pp. 8-9.
<< [ ... ] en effet, le mari est chef de sa femme, comme le Christ est chef
de l'Église, lui le sauveur du Corps[ ... ]» (Eph. 5: 23).
Les Faictz, Bii r" : « Qyi est semblable à la beste, à laquelle a esté
donnee gueule parlant grands choses et blasphemes, laquelle blaspheme
Dieu, et son nom et son tabernacle, et ceulx qui habitent au
ciel» (Apocalypse 13 : 4-6).
Les Faictz, Bü r".
Christopher Robinson, Lucian and His Influence in Europe, Bristol,
Western Printing Services Ltd, 1979, p.109 (Ndlt.: trad. libre).
Luciani Erasmo interprete dialogi & alia emuncta. Qutedam etiam a T.
Moro latina Jacta : & qutedam ab eodem concinnata ([Paris] : Desiderius
Erasmus [trad.], 1514); Luciani opuscula Erasmo Roterodamo interprete.
Toxaris {&c.}. Eiusdem Luciani T. Moro interprete, Cynicus [&c.]
(Ven.: Desiderius Erasmus [trans.], 1516).
Robinson, p. 131 (Ndlt. :trad. libre).
[Fleuron} Luciani Samosatensis opuscula qutedam, Erasmo Rote. & T.
Moro interpretib (Luguduni, 1528). {Para.} Necromantia, a dialog tr.
into lat. {by st. T. More} and now tr. into englyssh ([Lond.]: J. Rastell
[ed.]; Thomas More [trad.], [c.1530]).
Ulrichi de Hutten, Au/a dialogus. Phalarismus Huttenicus dialogus.
Febris dia/o. Hutten (Paris, 1519).
Christophoro Gnophoso, El crotalon (Madrid, Ramirez de Arellano,
.
Robinson, pp.110-126.
C. P. Jones, Culture and Society of Lucian, Massachusetts, Harvard
University Press, 1986, p. 84 (Ndlt: trad. libre).
En anglais : Persian style.
Lucien de Samosate, OEuvres complètes de Lucien de Samosate,
trad. nouvelle avec une introd. et des notes par Eugène Talbot,
Paris, Hachette, 1912. [En ligne: http://remacle.org/bloodwolf/
philosophes/ Lucienlnigrinus.htm, paragraphe 21, page consultée le
janvier 2006] Pours la traduction anglaise, voir Page E. Capps,
T. E., Rouse, W. H. D. eds., Lucian. vol. I, trad. A. M. Harmon, Londres, William Heinemann, 1927 (LOEB Classical Library),
p.121.
S.J. Harrison,Apuleius. A Latin Sophist, Oxford, Oxford University
Press, 2000, p. 210 (Ndlt: trad. libre).
Elizabeth Hazelton Haight, Apuleius and His Influence, New York,
Longmans, Green and Co., 1927, p.lll (Ndlt: trad. libre).
Les Faictz, Dili v", Div r".
Les Faictz, Dili v".
Christopher Elwood, The Body Broken. The Calvinist Doctrine of the
Eucharist and the Symbolization of Power in 161h Century France, New
York; Oxford, Oxford University Press, 1999, p. 27 (Ndlt: trad.
libre).
Elwood, p. 27 (Ndlt: trad. libre).
Les Faictz, Div r".
Apulée, «Le livre d'Isis (XI, 11, 3)», L'Âne d'or ou les Métamorphoses,
trad. M. Nisard tirée de Pétrone,Apulée,Aulu-Gelle. OEuvres complètes,
Paris, 1860, en ligne sur Bibliotheca Classica Selecta (BCS), http://
bcs.fltr.ucl.ac.be/ Apullmeta13.html [page consultée le 20 janvier
.
Les Faictz, Div r" : «Voulons par ainsi que les choses qu'il n'est pas
licite qu'on demande, qu'elles soyent payees et qu'on les receoive,
car il est honneste qu'on receoive ce qu'il n'est pas honneste de demander.
dist. De eulogiis. et. c. Cum ex offi. de prescrip. 12.q.2.
Charitatem. 13.q.2. questa. et .1.q.2. Placuit. et. c. Qy.am pie. tellement
que nostre sac soit plain, car la court romaine ne veult la brebis
sans laine. Soyent excommuniez comme infideles et qui tuent, les
indigens, ceulx qui ne payent les offrandes.13.q.2. Qui oblat».
Les Faictz, Div r" : «Des eaues lustrales, que nous appellons eaues
benistes, et tant d'aultres ceremonies, tout en est plein par les livres
des infideles [ ... ]Dont le Pape a emprunté ces superstitions et idolatries,
par lesquelles il pille le paovre monde et retire les coeurs du
vray pasteur Jesus Christ».
Les Faictz, Div r" : «Nul Evesque ou prestre ou diacre qui dispense
le sacrement de la communion ne demande aucune chose. Car la
grace n'est pas vendue, et nous ne donnons pas par pris la grace du S.
Esprit; aultrement, qu'il soit os té come imitateur de la deception et
fraulde symoniacque. Ex sexta synodo.l.q.l. etc.».
Robinson,pp.109-110 (Ndlt: trad. libre).
Comme on l'a vu plus haut, «tyrans de Perse» (Les Faictz, Bü r") a
remplacé "Persian style", tiré du dialogue de Lucien Nigrinus ( Capps,
p.121).