Le Livre des marchans dans la Bibliothèque Saint-Victor
Résumé
Le Livre des Marchans d'Antoine Marcourt constitue le premier d'une longue série de textes pararabelaisiens qui constituent, entre imitation, parodie et pastiche, autant de jalons de la réception de Rabelais au XVIe siècle, étudiés par Marcel de Grève en son temps (1).
Ce goût pour l'écriture à la manière de Rabelais deviendra si marqué dans la seconde moitié du siècle qu'Étienne Pasquier, dans une lettre de 1555 à Ronsard,
se croira obligé de dénoncer ce qu'il perçoit comme le naturel servile des Français, dont les singes de Rabelais, en l'occurrence Noël du Fail et Guillaume des Autels,
sont symptomatiques :[...]
Références
Marcel de Grève, L1nterprétation de Rabelais au xvr siècle, Genève,
Droz, 1961. À propos de Marcourt, voir les pages 20-21,59, 195 et
-220.
Les Lettres d'Estienne Pasquier, Avignon, Jaques Bramereau, 1595, cl,
r" et v".
Mireille Huchon a bien montré que Rabelais lui-même n'aurait pas
manqué d'intituler ce cinquième roman Quint livre pour reprendre
l'ancien adjectif ordinal. Voir Rabelais,« Introduction», OEuvres complètes,
édition établie, présentée et annotée par Mireille Huchon avec
la collaboration de François Moreau, Paris, Gallimard, Bibliothèque
de la Pléiade, 1994, p. xvii.
Gabrielle Berthoud, «Le Livre des Marchans d'Antoine Marcourt et
Rabelais», dans FranfoÎS Rabelais. Ouvrage publié pour le quatrième
centenaire de sa mort 1553-1953, Genève, Droz et Lille, Giard, 1953,
p. 86-92; et Gabrielle Berthoud, chap. V «Le Livre des Marchans»,
dans Antoine Marcourt. Réformateur et pamphlétaire du «Livre des
Marchans» aux Placards de 1534, Genève, Droz, 1973, p.111-127.
Marcourt, à l'époque, peut en tout cas être légitimement considéré
comme un proche voisin de Rabelais par l'intermédiaire de son
imprimeur Pierre de Vingle, gendre de Claude Nourry, éditeur du
Pantagruel, et sans doute aussi par le truchement plus large du milieu
des imprimeurs lyonnais que tous deux hantaient alors. Christine
de Buzon, << Vingle (Pierre de)», dans Michel Simonin (sous la dir.
de), Dictionnaire des lettres franfaises. Le xvr siècle, Paris, Le Livre de
Poche, coll. «La Pochothèque», 2001, p.1194.
Antoine Marcourt, Livre des Marchans, édition de 1533, fb Ai V'.
Rabelais, OEuvres complètes, édition établie, présentée et annotée par
Mireille Huchon avec la collaboration de François Moreau, Paris,
Gallimard, Bibliothèque de la Pléiade, 1994, p. 260. Toutes les références
ultérieures à Rabelais renverront à cette édition et seront
précisées dans le corps du texte entre parenthèses.
Antoine Marcourt, Livre des Marchans, édition de 1533, fo Bü r".
Antoine Marcourt, Livre des Marchans, édition de 1534, fb Ai f"·
Antoine Marcourt, Livre des Marchans, édition de 1534, fo Ai V'.
Antoine Marcourt, Livre des Marchans, édition de 1534, fo Bii r".
Voir, à ce propos, Gabrielle BERTHOUD, «Le Livre des Marchans
d'Antoine Marcourt et Rabelais», op. cit., p. 89-90.
S'il faut en croire la notice du Dictionnaire des lettres françaises, par
ailleurs assez confuse, dans la mesure où l'on fait l'amalgame entre
le Livre des Marchans et les Placards: «Dès l'éd. de 1534 disparaît
du titre toute l'allusion à Rabelais. On a dit que ce fut sous l'action
de Viret». Robert Barroux et Michel Simonin, «Marcourt (Antoine
de)», dans Michel Simonin (sous la dir. de), Dictionnaire des lettres
françaises. Le xvr siècle, op. cit., p. 785.
Peut-être faut-il également envisager l'hypothèse de Marcel de
Grève pour arriver à rendre compte de ce revirement : «Rabelais
avait été accepté comme réformé par les premiers huguenots, et
particulièrement par les huguenots lyonnais qui, pourtant, devaient
bien le connaître; [ ... ] dès la publication de Gargantua les réformés
éclairés mettaient leurs adeptes en garde contre la néfaste influence
d'un auteur comme Rabelais qui, malgré les apparences, n'épousait
pas leurs opinions, ni leurs croyances» Marcel de Grève, op. cit.,
p. 59.
Gabrielle Berthoud, «Le Livre des Marchans d'Antoine Marcourt et
Rabelais», op. cit., p. 87.
Antoine Marcourt, Livre des Marchans, édition de 1533, fl> Bi v".
À propos du déclin que connaîtra cet ouvrage dès le début de la
Réforme, voir Eric H. Reiter, «The Decline of a Catholic Bestseller
during the Early Reformation», Nugae humanisticae, Turnhout
(Belgique), no 4 (Jean-François Gilmont et William Kemp (sous la
dir. de), Le Livre évangélique en français avant Calvin. Études originales,
publications d'inédits, catalogues d'éditions anciennes. 7he French
Evangelical Book before Calvin. Original Analyses, new/y edited texts,
bibliographie catalogues), hiver 2004, p. 275-299.
Antoine Marcourt, Livre des Marchans, édition de 1533, fo Ai v".
Antoine Marcourt, Livre des Marchans, édition de 1533, fb Ai v".
Gabrielle Berthoud, «Le Livre des Marchans d'Antoine Marcourt et
Rabelais», op. cit., p. 91.
Antoine Marcourt, Livre des Marchans, édition de 1534, fb Dii v".
Antoine Marcourt, Livre des Marchans, édition de 1534, f' Cii re> et
v".
Outre l'étude classique de Lucien Febvre (Le Problème de l'incroyance
au xvr siècle. La Religion de Rabelais, Paris, Albin Michel,
qui établit clairement que Rabelais n'était pas athée mais sans
doute évangélique, c'est-à-dire partisan d'une réforme de l'Église
catholique de l'intérieur, il faut également tenir compte de ce que
Verdun-Léon Saulnier a appelé «hésuchisme», c'est-à-dire un si lence prudent, sinon une réserve propre à l'évangélisme après l'Affaire
des placards de 1534 (Le dessein de Rabelais, Paris, S.E.D.E.S., 1957).
Cette conjonction entre évangélisme et hésuchisme chez Rabelais
rend particulièrement problématique toute généralisation sur ses
positions religieuses à une époque où les frontières confessionnelles
sont encore mal définies sinon fluctuantes.
Isabelle Garnier-Mathez, L 'Epithète et la connivence. Ecriture concertée
chez les Evangéliques français (1523-1534), Genève, Droz, 2005.
Marcel de Grève a bien montré que la traduction de l'opuscule en
anglais dès l'année suivante rendait impossible une telle hypothèse.
À ce propos et pour les références à Abel Lefranc et Lazare Sainéan,
voir Marcel de Grève, op. cit., p. 20, note 32. Sur les traductions anglaises
du Livre des Marchans, voir l'article de Torrance K.irby dans
ce dossier.
Gabrielle Berthoud, «Le Livre des Marchans d'Antoine Marcourt et
Rabelais», op. cit., p. 86.
Antoine Marcourt, Livre des Marchans, édition de 1533, f' Cvii v".
Antoine Marcourt, Livre des Marchans, édition de 1534, fo Bv v" et
Bvi~.
Antoine Marcourt, Livre des Marchans, édition de 1533, f' Bvi ~-
Antoine Marcourt, Livre des Marchans, édition de 1534, f' Cviii v".
Gabrielle Berthoud, <
Rabelais)), op. cit., p. 87.
Voir à ce propos, dans l'édition de Mireille Huchon, la note 10 de la
page 252.
« Dicunt aliqui quod nuntii pape non sunt deaurati sed plumbati : sed
die nihilomninus quod possunt dici deaurati : quia dan! plumbum et reportant
aurum : c'est a dire, aucuns disent que les messagiers du pape
ne sont point dorez mais plombez. Mais toy neantmoins dis que on
les peult dire dorez, car ilz donnent le plomb et emportent l'or». Il
resterait à voir s'il s'agit d'une citation authentique, comme invite à
le penser la manchette « Panor. super prima primi. de electio. in glo.
prim. in fine», même s'il apparaît évident que le sens s'en trouve sollicité
du fait qu'elle est sortie de son texte. Antoine Marcourt, Livre
des Marchans, édition de 1533, fo Biii ~et v".
Antoine Marcourt, Livre des Marchans, édition de 1533, f' Bii
v"- Biii ~.
Antoine Marcourt, Livre des Marchans, édition de 15 34, f' Biii ~.
Antoine Marcourt, Livre des Marchans, édition de 1534, fo Aviii v",
Bii ~.Ci~. Ci v".
Antoine Marcourt, Livre des Marchans, édition de 1533, fo Biii t>.
Antoine Marcourt, Livre des Marchans, édition de 1534, fb Aviii v",
Bii t>, Ci t> et V'.
Les deux expressions se retrouvent chez Rabelais dans les plaidoiries
respectives de Baisecul «porteurs de cousteretz» (chap. XI, p. 256) et
de Humevesne «gringuenaudes» (chap. XIII, p. 261).
Antoine Marcourt, Livre des Marchans, édition de 1534, fo Bii t>.
Antoine Marcourt, Livre des Marchans, édition de 1533, fo Ciii t> et
V'.
À propos de l'augustinisme rhétorique à l'oeuvre chez les auteurs du
cercle de Marguerite de Navarre, voir Claude La Charité, «"Inter
pastorem et impostorem": l'augustinisme rhétorique et le Cymbalum
Mundi (1537) », dans Le Cymbalum Mundi: actes du colloque de
Rome (3-6 novembre 2000}, sous la direction de Franco Giacone,
Genève, Droz, 2003, p. 489-500; et « Rhetorical Augustinianism
in Marguerite de Navarre's Heptaméron», A//egorica (Saint-Louis
(Missouri)), 2002, volume XXIII ((Richard Keatley (sous la dir. de)
Augustine in the Renaissance), p. ss-SS.
Il existe de nombreuses occurrences de cette théologie négative sous la
plume de Briçonnet, notamment à propos de Moïse : «De ce sommes
en Moïse instruictz, lequel demandant veoir la face de Dieu, luy fut
respondu n'estre acte de homme vivant veoir l'invisible, comprendre
l'incomprehensible, entendre le inintelligible, de sa seulle equalité
eureuse, veu, comprins, entendu et congnu, mais qu'il le mecteroit
sur la pierre et en passant verrait ses posteriores, ce que j'appelle son
derriere. Par les posteriores et derrière de Dieu est donné à entendre
que n'en pavons veoir que l'ombre et ses vestiges par où en est passé».
Cette théologie négative amène d'ailleurs l'épistolier à décrire les
apôtres comme étant ivres lors de la Pentecôte, «qui ont eructé et
vomy par tout le monde vomissemens salutaires». Pour les même
raisons, saint Paul est décrit comme «le grant yvrongne spirituel».
Marguerite d'Angoulême et Guillaume Briçonnet, Correspondance
(1521-1524), édition de Christine Martineau et de Michel Veissière,
avec le concours de Henry Helier, Genève, Droz, 1975, tome I, p.
et 146-14 7. À propos de cette pratique chez les auteurs gravitant
autour de Marguerite de Navarre, voir Henry Helier, «Marguerite of
Navarre and the Reformers of Meaux>>, Bibliothèque d'Humanisme et
Renaissance, Genève, tome XXXII, 1971, p. 271-310.
L'ordre social est certes inversé aux enfers, mais les états auxquels les
trépassés sont réduits ne sont pas, dans tous les cas, le pur et simple renversement de leur état de mortel, mais plutôt la manifestation de
leur nature véritable, latente et cachée de leur vivant.
Antoine Marcourt, Livre des Marchans, édition de 1533, fo Civ r".
Antoine Marcourt, Livre des Marchans, édition de 1533, f'> Aii v".
Le pape Jules, qui était la bête noire d'Érasme, est particulièrement
malmené par Jean Lemaire de Belges qui, aux enfers, joue le rôle du
pape, se fait baiser les pieds et donne sa bénédiction en ces termes à
lui ainsi qu'aux autres rois, princes et papes : « Gaignez les pardons
coquins, guaignez, ilz sont à bon marché. Je vous absoulz de pain et
de souppe, et vous dispense de ne valoir jamais rien» (p. 326).
Tout le traité De transitu Hellenismi ad Christianismum (1535) peut
se lire comme une apologie de l'humanisme (mais d'un humanisme
dissocié de toute Réforme) dans la foulée de l'Affaire des placards.
Claude Postel, Traité des invectives au temps de la Réforme, Paris,
Belles Lettres, 2004.
Antoine Marcourt, Livre des Marchans, édition de 1534, fo Cviii
r". Le terme, dans le Pantagruel, se trouve dans le catalogue de la
Bibliothèque Saint-Victor, «La gualimaffrée des Bigotz» (p. 239),
mais il s'agit d'un ajout de 1542, ce qui pose à nouveau la question
sur la nature du rapport intertextuel entre les deux objets d'étude,
auxquels il faut sans aucun doute ajouter tout un vaste ensemble de
textes contemporains.
Antoine Marcourt, Livre des Marchans, édition de 1533,f'> Ciii v". Le
terme, dans le Pantagruel, se trouve dans la conclusion augmentée
en 1534 : « Caffars » (p. 336). Mais dès l'édition princeps, on trouvait
dans le catalogue de la Bibliothèque Saint-Victor : « Callibistratorium
caffardie, auctore M.Jacobo Hocstratem hereticometra» (p. 239).
Antoine Marcourt, Livre des Marchans, édition de 1533, f'> Ai v". Le
terme, dans le Pantagruel, se trouve sous sa forme latinisée dans le
catalogue de la Bibliothèque Saint-Victor: «Lyripipii Sorbonici moralisationes
perm. Lupoldum)) (p. 240).
Antoine Marcourt, Livre des Marchans, édition de 1534,f'> Bv v". Le
terme, dans le Pantagruel, se trouve sous sa forme latinisée dans le
catalogue de la Bibliothèque Saint-Victor : « Lyripipii Sorbonici moralisationes
perm. Lupoldum »(p. 240).
Le terme désigne l'organe sexuel féminin comme masculin et se
trouve chez Rabelais sous sa forme latinisée dans le titre du ca talogue
de la Bibliothèque Saint-Victor précédemment cité ou dans
sa variante << callibistrys » à propos de la muraille idéale construite de
sexes de femme et de « bracquemars» au chapitre XV (p. 268-269) et sous la forme « callibistris )) au chapitre xvr à propos du cordelier
qui se retrouve dans son plus simple appareil pour dire la messe
(p.274).
En excluant les pamphlétaires, polémistes et controversistes
religieux.
Pétrarque,Invectives, édition et traduction de David Marsh, Londres,
Harvard University Press, coll. «The 1 Tatti Renaissance Library))'
, p. XIII.