Schématisations corporelles et espaces de la mort chez Verlaine

Auteurs-es

  • Constantina Mitchell Gallaudet university

Résumé

Le corps humain constitue le point de contact entre l'être et l'espace, l'axe postural s'assimilant ici au schème du macrocosme qui relie ciel et terre, et où se déploient, sur le plan métaphorique, les impulsions antinomiques de l'élan et de la chute. (1) Une analogie semblable s'établit entre le corps couché et la dimension horizontale : celle du commencement et de la fin, du départ et du retour. L'imaginaire verlainien se révèle pleinement sensible à ces propriétés de l'organisme comme élément structurant dans la refonte de l'espace poétique. [...]

Références

Gaston Bachelard note cette alliance qui unit la « vertébralité » à la

verticalité (La Terre et les rêveries de la volonté, Paris, Corti, 1948,

p. 363-364).

Voir, entre autres, P. Albouy, Espace et fugue dans les Romances sans

paroles, Paris, Corti, 1976, p. 3846 et]. H. Bonnecque, «L'OEil

double et les motivations verlainiennes dans les Romances sans

paroles» (La Petite Musique de Verlaine, Paris, Sedes, 1982).

Voir, à ce propos, le commentaire de J .-P. Richard sur la porosité de

l'être verlainien (Poésie et profondeur, Paris, Seuil, 1955, p. 165) ainsi

que les remarques de J.-M. Maulpoix sur la formulation externe des

sentiments dans l'imaginaire verlainien («Poétique de la chanson

grise,,, Magazine littéraire, no 321, mai 1994, p. 44).

Paul Verlaine, «Marine,,, dans OEuvres poétiques complètes, Y-G. le

Dantec et]. Borel (éd.), Paris, Gallimard, «Bibliothèque de la

Pléiade», 1962, p. 67; nous indiquerons désormais les renvois à

cette édition entre parenthèses, dans le corps du texte.

Voir, à ce propos, la note relative au poème, dans OEuvres poétiques

complètes, op. cit., p. 1122.

À titre de comparaison, notons qu'une réciprocité pied-eau-mobilité

analogue est repérable dans << Beams '' (pièce dont la composition

est antérieure à la version définitive de Sagesse 1, 16, p. 256),

où elle reste toutefois au stade d'une promenade insolite sur les

vagues

Elle voulut aller sur les flots de la mer,

[ ... ]

Nos pieds glissaient d'un pur et large mouvement (208-209).

Le Style de Paul Verlaine, Paris, Centre de documentation universitaire,

, p. 29.

Voir Paul Verlaine, OEuvres en prose complètes,]. Borel (éd.), Paris,

Gallimard, <

Voir les précisions données par P. Verlaine, OEuvres poétiques complètes,

op. cit., p. 1207 et dans P. Verlaine, OEuvres poétiques, J.

Robichez (éd.), Paris, Garnier, <>, 1969, p. 782.

Voir la note, P. Verlaine, OEuvres poétiques complètes, op. cit., p. 1208.

Jean-Paul Weber, Genèse de l'oeuvre poétique, Paris, Gallimard, << Bibliothèque

des idées>>, 1960, p. 147.

Le «grand drame intime'' de Verlaine se dessine, justement, selon

A. Buisine, dans <

ne se sent pas vieillir, et un corps dont la déchéance se précipite

vertigineusement>> (<

cit., p. 21).

Voir la note relative à ce poème dans P. Verlaine, OEuvres poétiques

complètes, op. cit., p. 1064.

Encore, dans <> (117), la mort apparaît sous la forme d'une

femme désirée. Au coeur de la sensualité parodique de cette pièce,

la poursuite de l'amant par l'ombre de l'amante entraîne sa spectralisation:

Et qu'alors, et parmi le lamentable émoi

Des enlacements vains et des désirs sans nombre,

Mon ombre se fondra pour jamais en votre ombre.

La posture verticale du marcheur le cède à l'horizontalité et à une

mort symbolique teintée d'érotisme.

Gilbert Durand, Les Structures anthropologiques de l'imaginaire,

e édition, Paris, Bordas, <<Études supérieures ''• 1969, p. 469.

Vu la présence de ce réseau métaphorique qui, par le truchement

de la charmille, unit la pose horizontale à l'eau décomposante, il

n'est pas surprenant qu'Eléonore Zimmermann note le recours fréquent

à l'arbre et à son feuillage chez Verlaine (Magie de Verlaine,

Paris, Corti, 1967, p. 290). Symbole cosmique du corps humain

(G. Durand, op. cit., p. 394), l'arbre, tel qu'il se dessine dans l'imaginaire verlainien, est rarement droit. Se courbant sur l'eau, il imite

la pose de l'être solitaire à la recherche d'un autre. Voir à ce propos

l'Ariette oubliée IX (196), où le reflet de l'arbre assimile, au décor

poétique, la noyade affective d'un voyageur mélancolique:

Combien, ô voyageur, ce paysage blême

Te mira blême toi-même,

Et que tristes pleuraient dans les hautes feuillées

Tes espérances noyées!

Voir P. Verlaine, OEuvres poétiques complètes, op. cit., p. 187 et p. 1151.

Voir P. Verlaine, OEuvres poétiques,]. Robichez (éd.), op. cit., p. 622.

Jean-Marc Varaut, Poètes en prison, Paris, Librairie Académique

Perrin, 1989, p. 110.

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Publié-e

2017-07-20